Monaco, la Principauté maritime

LA TRAJECTOIRE MARITIME DE LA POLITIQUE MONEGASQUE

La création de l’Institut. L’Institut du droit économique de la mer a été autorisé par un arrêté ministériel du 19 juin 1985 qui a approuvé ses statuts. Ses premiers membres ont été nommés par S.A.S. le Prince Rainier III dans des ordonnances souveraines du 15 juillet 1985. A son origine, l’Institut a été dirigé par S.E.M. César SOLAMITO, Président du Conseil d’administration, et le Doyen Claude-Albert COLLIARD, Vice-président du Conseil d’administration et Président du Conseil scientifique.  La création de cette institution monégasque fait suite à la Troisième Conférence des Nations unies sur le droit de la mer et à l’adoption de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM/UNCLOS) le 10 décembre 1982 à Montego Bay (Jamaïque). La composition prestigieuse de son conseil scientifique témoigne de ce contexte historique : Doyen Claude COLLIARD, DANIEL BARDONNET, Mohamed BEDJAOUI, Jean CARROS, René-Jean DUPUY, Laurent LUCCHINI, Jean-Pierre QUENEUDEC, Mario RUIVO. L’établissement de l’INDEMER répond à la volonté du Prince RAINIER III de développer le rayonnement international de la Principauté en soutenant des initiatives internationales conformes à ses priorités par la constitution d’associations monégasques agrées, telles que l’Association Européenne Océanique (1970), la Chambre Arbitrale Maritime de Monaco (1979) ou le Comité Arctique International (1982). INDEMER a bénéficié de cet appui fidèle et résolu qui exprime l’adhésion de la Principauté aux valeurs portées par son projet scientifique.

Monaco et les sciences de la mer (l’océanologie dont le droit de la mer fait partie intégrante). Le Prince Albert 1er, le Prince navigateur, Prince explorateur était aussi le Prince savant et un chef d’Etat. Il était un marin parmi les marins. Il se considérait également lui-même comme un “travailleur de la pensée”, sans-doute la meilleure définition du scientifique. Avec Albert 1er, la mer n’est plus seulement le vecteur de la souveraineté monégasque : la Principauté apporte désormais sa contribution pour l’explorer, la faire connaître et la protéger. Les princes successifs de Monaco poursuivent l’œuvre engagée dans le même esprit et portent la même vision. En effet, cette quête des connaissances s’inscrit dans une perspective globale intégrant la foi dans le progrès, l’humanité et l’attachement à la paix entre les nations, avec l’empirisme nécessaire au succès. L’Océan a son temple-palais à Monaco (Musée océanographique) ; le monde a son “Prince des mers” (“Discours sur l’Océan”, 1921, Prince Albert 1er).

Musée océanographique – Institut océanographique Par Mister No, CC BY 3.0,

Après 11 ans de travaux le Musée océanographique a été inauguré le 29 mars 1910. Quelques mois plus tard, le 23 janvier 1911 l’Institut océanographique de Paris (Maison de l’Océan) était inauguré à son tour. La “Commission internationale pour l’exploration scientifique de la Mer Méditerranée” (CIESM) constituée en 1919 à l’Initiative du Prince Albert 1er a pour objet de développer la coopération scientifique. Elle a acquis le statut d’Organisation internationale scientifique et elle s’est ouverte à la participation des Etats non riverains de la Mer Méditerranée. Son siège est au Musée océanographique.

Maison de l’Océan – Institut océanographique,
Par  CC-BY-SA-3.0
Siège de l’Organisation
hydrographique internationale
à Monaco

“Les cartes générales des océans” ou “cartes de Monaco” établies lors des Campagnes du Prince Albert 1er ont fortement contribué au développement de la science de l’hydrographie dont l’utilité pratique pour toutes les activités maritimes est évidente. Monaco a été choisi en 1921 pour accueillir le Bureau hydrographique international. Organisation internationale scientifique de caractère mondial, l’Organisation hydrographique internationale a son siège à Monaco.

Le Prince Rainier III a doté la Principauté en 1960 d’une structure scientifique nationale, le Centre scientifique de Monaco, dans la forme d’un établissement public. Les activités de recherche du Centre portent notamment sur la biologie marine.

Créé dans le même contexte, le Laboratoire international de radioactivité marine est l’objet d’une collaboration entre la Principauté, l’Agence internationale de l’énergie atomique (A.I.E.A.) et l’Institut océanographique.

Les services du Gouvernement de la Principauté assurent le secrétariat de l’accord RAMOGE relatif à la protection des eaux du littoral méditerranéen, qui s’inscrit dans le cadre de la Convention de Barcelone et du Plan d’Action pour la Méditerranée. L’accord réunit la France, l’Italie et Monaco. Ce dernier accueille également le secrétariat de l’accord Pelagos créant le Sanctuaire pour les mammifères marins en Méditerranée et liant la France, l’Italie et Monaco. L’Association Monégasque pour Protection de la Nature (A.M.P.N.) complète ces actions de protection du milieu marin sur le plan national. En effet, l’ A.M.P.N a été créée en 1975 par le Prince Rainier III afin de constituer des aires marines protégées dans les eaux monégasques.

UN DESTIN MARITIME

Le lien unissant Monaco à la mer est indestructible. Les habitants du Rocher avaient jadis érigé un autel au Patron des Marins, Saint Nicolas (voir le retable dans la cathédrale). Parmi les traditions monégasques figure la fête de Sainte Dévote le 27 janvier. La jeune martyre, l’âme protectrice de l’identité monégasque, est considérée comme la Sainte patronne de Monaco, de la Corse et de la mer. Son corps supplicié placé dans une barque par des marins de Lucciana (Corse) serait venu s’échouer sur le rivage de Monaco.

Bon nombre des membres de la famille Grimaldi furent des marins aguerris. Le premier Seigneur de Monaco, Rainier 1er, a été nommé amiral de France par Philippe Le Bel. En récompense de son rôle à la bataille navale de Zierikzee en 1304, il obtint le fief de Cagnes dont il érigea le château. Par ailleurs, l’économie maritime a toujours été la source d’une partie importante des revenus de la Principauté, lors de ce qui fut sa période épique, comme de sa période moderne.

Puissance maritime. S’agissant de la période épique, qui a duré des premiers temps (12ème siècle) jusqu’à la Révolution, Monaco a bâti sa notoriété et ses revenus autour des droits maritimes, et notamment du “droit de mer” ou péage, applicable à tous les navires passant à proximité. La justification de cette taxe était la protection apportée aux navires, dans des eaux où la liberté de navigation était menacée par les pirates. Pour les navires refusant de s’y soumettre, l’Etat monégasque pouvait faire usage du “droit de poursuite” afin de les arraisonner et de confisquer leur cargaison. Enfin, chaque navire désirant mouiller dans le port de Monaco devait s’acquitter du “droit d’ancrage”, en contrepartie de la sécurité et du ravitaillement apportés par la Principauté. Gage des droits souverains reconnus, mais également première source de revenus du Rocher, ces droits ont pu constituer jusqu’à 70% des revenus monégasques.  Dans le même temps, les expéditions menées par les Grimaldi se sont multipliées, conférant aux Seigneurs de Monaco et à leurs hommes une solide réputation sur les champs de bataille comme sur les océans. Le prestige s’associait à la richesse.

Malheureusement, la Révolution française, l’évolution des armements et l’abus des “lettres de commission” octroyées aux corsaires par la Principauté, ont mis un terme à cette époque favorable.  Ayant été amputé d’une partie de son territoire, de sa flotte et de ses mercenaires, Monaco a su pourtant rebondir, en s’appuyant à nouveau sur la mer.

La prospérité du bord de mer. La Principauté moderne, sous l’impulsion du Prince Charles III, obtint la reconnaissance de son indépendance et de sa souveraineté. De là, l’Etat a été restructuré et il s’est déployé sur la scène internationale, en même temps qu’il s’est ouvert à l’initiative privée. Casinos et sociétés de bain ont vu le jour, et l’on venait par la mer pour passer du bon temps à Monaco, plutôt que par la terre, le chemin étant trop contraignant. A Monte-Carlo se côtoyaient de grands noms, comme Friedrich Nietzche, Théophile Gautier, et même l’empereur François Joseph d’Autriche. A la position stratégique et militaire se sont donc substituées la douceur de vivre sur la Côte d’Azur, la culture et les événements internationaux. Le Prince Albert 1er introduisit une nouvelle dimension dans l’approfondissement des liens qui unissent Monaco à la Mer. Sa curiosité scientifique fera de lui un pionnier de la protection du milieu marin à une époque où la mer était encore considérée comme, selon la formule de Fernand BRAUDEL, “une plaine liquide”. Aujourd’hui, S.A.S le Prince Souverain Albert II assure la relève de son trisaïeul de fort belle manière : de la Méditerranée à l’Océan Indien, en passant par les Caraïbes, la Société des Explorations de Monaco, qui associe l’approche scientifique et la recherche gouvernementale, mène des actions visant à assurer la protection de la mégafaune, des coraux, ainsi que le développement des aires marines protégées.

Sans la mer que serait le Rocher, ce navire immobile tourné vers le large que la figure de proue, la statue dynamique du Prince navigateur, oriente vers l’avenir ?

UN PORT SOUS L’ANTIQUITÉ GRÉCO-ROMAINE

« Monoïkos, ville de Ligystique », ou Ligurie : c’est en ces termes que Hécatée de Millet (550 – 475 av. J.-C.) évoque Monoïkos, cité vraisemblablement fondée par une tribu ligure dont l’origine du nom, probablement indigène, reste inconnue. On évoque une autre piste étymologique, selon laquelle Monoïkos dériverait du phénicien ou de l’hébreu Menihh ou Monêhh, qui signifie « donnant le repos ».

Restitution par J-C. Golvin du trophée d’Auguste de la Turbie (7 avant J-C.) évoquant le port antique de Monaco (Hercule Monoïkos)

Un port grec. À propos de l’étymologie du toponyme Monaco, une hypothèse séduisante mais non confirmée évoque la fondation du lieu par Hercule, que la légende dit « solitaire » ou « ayant un unique temple » (monos-seul et oikos-maison). Bien qu’incertaine, elle nous éclaire sur les liens qui unissent Monaco au demi-Dieu et le relief accidenté de la future Principauté et les routes pour y accéder sont réputés avoir été tracés par Hercule, en chemin pour accomplir l’un de ses travaux. Les nombreuses monnaies retrouvées à Monaco, notamment carthaginoises, du début du IVe siècle jusqu’au règne d’Alexandre le Grand (-337), attestent de l’intégration du port dans le commerce du bassin méditerranéen.

Un port romain. Le port de Monaco entre dans le monde romain lors de sa conquête au IIe siècle avant J.-C. Il constitue un abri essentiel sur la route maritime reliant l’Italie à la province Narbonnaise et jusqu’à l’Hispanie, que l’armée Romaine partit conquérir en 137 avant J.-C., et César lui-même vint à Monaco en 50 avant J.-C. Entre le IIIe et le Ier siècle, le commerce est intense comme l’évoque la quantité d’amphores, ancres, épaves et chargements retrouvés.