INDEMER, le colloque du quarantième anniversaire de la Convention sur le droit de la mer, entre héritage et engagement pour l’avenir

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De l’enthousiasme des années 1980 à l’inquiétude des années 2020

On a sans doute un peu oublié et la génération actuelle ignore largement l’événement majeur, un véritable triomphe du multilatéralisme, qu’a constitué l’adoption de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer le 30 avril 1982 et la spectaculaire ouverture à la signature le 10 décembre 1982, à Montego Bay, en Jamaïque, qui a recueilli 117 signatures. Un tel soutien immédiat était sans précédent. Quarante ans plus tard l’enthousiasme qui a accompagné le succès de la Troisième conférence sur le droit de la mer est tombé. Les participants à la conférence des Nations unies de Lisbonne, dans le contexte de la crise des océans, ont admis dans leur déclaration du 1er juillet 2022 (Notre océan, notre avenir, notre responsabilité) un « échec collectif dans la réalisation des objectifs liés aux océans» et ils se sont dit « profondément alarmés par l’urgence mondiale à laquelle les océans sont confrontés ». La dégradation du milieu marin dans son ensemble et la perte inquiétante de la biodiversité marine occupent désormais les esprits.

Privilégier le développement sans sacrifier l’environnement

La Troisième conférence sur le droit de la mer a profondément réformé les espaces maritimes, notamment par une extension considérable des zones côtières (zone économique exclusive) et la mise en place d’un régime international d’exploitation minière des grands fonds marins qui sont ainsi affectés au patrimoine commun de l’Humanité. Il y a quarante ans la Convention de Montego Bay promettait le développement économique dans l’équité et la justice. Toutefois, ses rédacteurs n’ont pas ignoré le besoin de protection du milieu marin, même si, à l’époque, l’enjeu paraissait moins crucial. Toute une partie, la partie XII, de cet instrument est consacrée à l’établissement d’un régime international de protection. Elle est longue, une cinquantaine d’articles, parce qu’elle combine énoncés généraux et dispositions précises pour établir le corps central du droit international de l’environnement marin. L’ensemble forme les «principes généraux de la protection et de la préservation du milieu marin ». Le volontarisme et l’esprit novateur des négociateurs se sont aussi manifestés dans la rédaction des dispositions relatives à l’environnement.


La mobilisation actuelle pour la sauvegarde des océans

Quarante ans après l’adoption de la Convention sur le droit de la mer ce socle du droit international de l’environnement marin et ses développements présents viennent sur le devant de l’actualité internationale dans le contexte de la crise des océans.


Traité sur les plastiques

L’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (ANUE) a, lors de sa session de février-mars 2022, mis en place un Comité intergouvernemental de négociation en vue de « développer un instrument international légalement contraignant sur la pollution plastique, y compris dans le milieu marin ». Répondant à l’urgence, l’ANUE a prévu la réunion d’une conférence de signature en 2025.


Accord BBNJ

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer a repris sans les modifier les dispositions de la convention de 1958 sur la haute mer. Reportée par la Troisième conférence, la modernisation du régime de la haute mer se concrétise par la prochaine adoption formelle d’un accord international pour la protection de la haute mer dit BBNJ (Biodiversity Beyond National Jurisdiction). Le consensus des 194 membres de l’ONU, fait exceptionnel, a été atteint le 4 mars 2023 et nécessite encore une mise en forme de l’instrument. Relié explicitement à la mise en oeuvre de la Convention sur le droit de la mer, l’accord BBNJ devrait faciliter la création et la gestion des aires marines protégées dans ces espaces qui ne sont pas sous la juridiction exclusive d’un Etat. S’il s’inscrit également dans la réalisation d’autres buts de la Convention, partage des produits des ressources génétiques marines, renforcement de capacités et transfert de technologie marine, l’accord favorisera la préservation effective du milieu marin. L’objectif de l’établissement d’aires marines protégées sur 30% de la haute mer est désormais accessible.

Climat et acidification des océans

Un processus de consultation des plus hautes instances judiciaires internationales sur les obligations internationales et leurs conséquences en ce qui concerne la question du climat est engagé. Ainsi, la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international a saisi le 12 décembre 2022 le Tribunal international du droit de la mer d’une demande d’avis consultatif sur la question suivante : « Quelles sont les obligations particulières des États Parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (« la CNUDM »), notamment en vertu de la Partie XII : a) de prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin eu égard aux effets nuisibles qu’a ou peut avoir le changement climatique, notamment sous l’action du réchauffement des océans et de l’élévation du niveau de la mer, et de l’acidification des océans, qui sont causés par les émissions anthropiques de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ? b) de protéger et préserver le milieu marin eu égard aux incidences du changement climatique, notamment le réchauffement des océans et l’élévation du niveau de la mer, et l’acidification des océans ? ». De son côté, l’Assemblée générale des Nations unies, par une résolution du 29 mars 2023 a sollicité l’avis de la Cour internationale de justice dans une démarche de portée plus large visant la responsabilité des principaux Etats contributeurs des émissions à effets de serre et la protection des Etats et groupes spécialement atteints par les effets du changement climatique. Ce processus dual prendra un certain temps, mais il permettra un large échange de vue au niveau mondial et il débouchera sur une clarification générale de la portée de la « justice climatique ». Il mettra certainement en évidence la spécificité du régime de protection du milieu marin, manifestement mieux armé que le droit commun de l’environnement.

La question de l’exploitation minière des océans

Une ultime réunion du conseil, mais aussi de l’assemblée, de l’Autorité internationale des fonds marins devraient se tenir du 10 au 28 juillet 2023. Les Etats parties à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer sont appelés à prendre leurs responsabilités, à décider du démarrage dans le courant de l’année de l’exploitation minière des océans, malgré des risques environnementaux qui ne sont pas encore maîtrisés. Le moment est crucial. Il met en lumière l’importance acquise aujourd’hui au sein de la Convention sur le droit de la mer par les dispositions relatives à la protection du milieu marin. Plus encore, il consacre l’importance centrale ce cet ensemble de règles dans la stratégie internationale face à la crise environnementale mondiale.

Le colloque de Monaco s’inscrit dans la dynamique actuelle


Momentum

Indemer a été créé par le Prince Rainier III dans l’élan suscité par l’adoption de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. À l’occasion du 40e anniversaire de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Indemer organise les 12 et 13 mai 2023 un colloque international en présence de S.A.S. le Prince Albert II de Monaco sur l’obligation des Etats de protéger et préserver le milieu marin. Cet événement exceptionnel réunit spécialistes du droit de la mer et des sciences océaniques pour débattre de la gouvernance des mers et des océans dans le contexte de la crise de la biodiversité marine.


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Posté le 6 avril 2023 par Philippe Weckel, Président du Conseil scientifique de l’Indemer.

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